Prisca Lobjoy
11.11.21 > 23.12.21
C’est à l’initiative de José Nicolas fondateur de L’Oeil du Douard qu’est née cette exposition riche de correspondances et de dialogues imaginaires entre le maître tchèque Jan Saudek et la photographe et sociologue française Irène Jonas, adeptes l’un et l’autre de l’épreuve argentique colorisée.
En travaillant sur l’important corpus d’oeuvres de Jan Saudek que lui a confié un collectionneur et en poursuivant la collaboration établie avec Irène Jonas depuis début 2021, l’évidence d’une filiation, d’un héritage visuel et artistique, apparaît à José Nicolas.
Des associations iconographiques s’établissent, des affinités se confirment au gré des consultations des tirages personnalisés par les deux artistes.
Et l’envie de proposer ce dialogue aux collectionneurs et autres amateurs d’art.
Commissariat d’exposition
José NICOLAS / l’Oeil du Douard
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+33 (0)6 61 31 24 48
www.loeildudouard.fr
Relations presse
Olivier BOURGOIN / agence révélateur
olivierbourgoin@agencerevelateur.fr
+33 (0)6 63 77 93 68
www.agencerevelateur.fr
Jan SAUDEK
Jan Saudek est un photographe tchèque dont l’oeuvre controversée a acquis, au fil de la carrière de l’énergique, fougueux et opiniâtre artiste, une considérable renommée mondiale. Bien que l’art de Jan Saudek soit unique en son genre, il est empreint de certaines influences dont l’une des plus importantes est celle d’Alfons Mucha (1860-1939) qui utilisa la photographie comme esquisse pour ses affiches, tableaux et dessins. Des affinités artistiques ont fait écho aux innovations de son compatriote Frantisek Drtikol : tous deux exacerbent le nu féminin. Robert Mapplethorpe et Duane Michals ont enrichi eux aussi ses effervescentes créations. Les liens familiaux, la paternité, les jeunes enfants et les effets du temps qui passe inexorablement sont les premières sources d’inspiration de l’opprimé Saudek qui n’est libre de photographier à sa guise que dans sa cave, à l’abri des surveillances policières. S’il s’aventure (rarement) dans Prague ou ses alentours, c’est à des heures improbables où il court peu de risques. Il sélectionne ses modèles dans son entourage pour oeuvrer en confiance. Le pouvoir communiste condamne les débordements charnels de ce photographe considéré comme décadent, si ce n’est immoral. Il est vrai que les femmes (même opulentes) attisent ses désirs et ses fantasmes. Leurs corps n’ont pas besoin d’être beaux pour s’inscrire dans son univers, tant personnel qu’artistique. Les sens impulsent la vitalité humaine et ils ne se discutent pas. Les modèles de l’avide Saudek sont souvent fardés et, quand ils ne sont pas nus, leurs vêtements sont des parures adaptées à leur anatomie, à leur sensualité. Qu’ils soient habillés ou déshabillés, ils s’incarnent dans la photographie et ils incarnent le démiurge qui les théâtralise, les détache du quotidien, des codes sociaux, et les aide à échapper à la perdition, à accéder à l’intime. L’un des principaux enjeux de la photographie, ici, est de permettre à chacun d’être soi-même. Les applications picturales du visionnaire complètent les tirages argentiques : elles accentuent le maquillage des modèles, leur fragilité, leur sauvagerie, leur érosion physique, leur apogée dans la sublimation. Les couleurs artificielles les rendent intemporels. Même si elles dérangent certains, les images produites ainsi par Saudek à partir des années 1970 empruntent autant aux maîtres du portrait qu’aux clichés érotiques réalisés en studio par les précurseurs du medium. Savamment retouchées, elles perturbent le contrôle des autorités politiques grâce aux mises en scène, aux décors (qui minimisent les références au monde contemporain), aux drapés picturaux, et à la signature antidatée de l’auteur, comme si elles avaient été réalisées au XIXe siècle. Elles imposent la maestria de l’indocile démiurge, immédiatement reconnaissable, en même temps que sa vibrante ferveur pour l’humain.